Cette interview, c’était son temps à elle, un espace rien qu’à elle. Mais l’air de rien, Sophie Adriansen a ramené la conversation à moi-même, à ce que je suis, à mon parcours, à ce qui m’anime dans la vie. Le tout a pris la forme d’une discussion entre copines qui se connaissaient depuis toujours. Sophie a ce talent-là de mettre les autres à l’aise, d’instaurer un climat de confiance. Elle transforme un entretien en un échange mutuel et enrichissant.
Un regard franc. Une présence à l’autre. Sa chevelure blonde est tressée en fines dreadlocks. Elle porte un pantalon treillis. Cette ex-cadre du monde de la finance a remisé son chignon et ses tailleurs aux oubliettes. De son ancienne vie, elle n’a gardé que ses sacs Lancel.
Elle raconte sa période d’acheteuse compulsive : « J’avais quelque chose à combler, un vide, une frustration qui me poussait à claquer ma vie dans les magasins. » Et ce quelque chose qui lui manquait, c’était son désir de créer et de s’accomplir plus que jamais dans l’écriture. Elle avait cela en elle depuis toujours. Elle dévorait tous les ouvrages qui lui tombaient sous la main, hantait les différents salons du livre : « Je n’imaginais même pas qu’il fut possible d’en faire un métier. »
Ses parents envisageaient pour elle un autre avenir. Après des études en stratégie en management, elle est en effet embauchée chez Natixis où elle va s’occuper d’épargne salariale. Elle y restera cinq ans. Finalement, elle comprend que travailler vite et bien ne lui suffit pas. « Mon efficacité, ma jeunesse ont joué contre moi. Cela a provoqué chez mes collègues de la méfiance et de la jalousie. C’était pesant. Je ne me sentais pas à ma place.»
Une année décisive
Lectrice boulimique, Sophie fait part à son entourage de ses impressions, de son enthousiasme. Un ami lui suggère de créer un blog. « C’était parti ! Depuis, j’écris deux à trois billets par semaine sur mes lectures. Je rencontre aussi des écrivains. C’est une fenêtre qui me permet de partager mes passions avec d’autres », confie-t-elle.
En 2010, la jeune femme change d’entreprise pour entrer dans un cabinet spécialisé dans le conseil en investissements. Une année qui va se montrer décisive. Son conjoint d’alors la captive littéralement avec les histoires de son quotidien de conducteur de métro. « Il avait toujours une anecdote à raconter. Son monde me passionnait et ça m’a donné l’envie d’en faire un livre témoignage », dit-elle.
Ce sera son premier livre, Je vous emmène au bout de la ligne (éditions Max Milo – 2010). Puis elle participe en tant que membre du jury à des prix de lecteurs (ELLE, Madame Figaro…). « En 2009, j’avais déjà participé au Prix Carrefour du premier roman », dit-elle. On la sollicite ensuite pour alimenter d’autres blogs – dont celui des nouveaux talents de la Fondation Bouygues Telecom – avec ses critiques de livres ou ses portraits d’écrivains. Un vrai bonheur ! Elle travaille d’arrache-pied et elle adore ça. « Je voulais être certaine que je pouvais m’assurer un autre revenu et lâcher enfin mon job », explique-t-elle. Un an à ce rythme et… elle démissionne. Enfin ! « Le plus difficile a été d’expliquer ma démarche, particulièrement à mon entourage. Beaucoup ne me comprenaient pas et considéraient mon choix comme un suicide social », se souvient-elle.
Sa recette : lecture, rêverie et observation
Son choix assumé lui offre enfin ce qu’elle désirait depuis toujours : du temps. Avec une sorte de vertige. Et perte de repères. Elle fonctionne désormais en roue libre et va passer un petit moment à apprivoiser ce “vide”, à trouver son rythme, à s’organiser, en aménageant son temps à sa manière : « Il y a des moments où il ne se passe rien, comme ces temps de repos, de rêverie, de lecture, d’observation. Ils sont pourtant essentiels pour se ressourcer, nourrir son imagination. Ce sont des moments riches, libres, où je découvre des associations d’idées, d’où va naître le début d’un récit. Tout ce que j’observe est source d’histoires. Je note sur un carnet tout ce que j’entends, tout ce à quoi je pense… Ça ne finit jamais. Paradoxalement, je manque de temps pour tout approfondir », constate-t-elle. Lorsqu’elle se met à écrire, le temps ne passe pas à la même vitesse : « Quand je suis dans l’écriture, j’oublie tout le reste. Il y a bien sur des jours “sans” mais j’écris, quoi qu’il arrive. Ce qui compte ce n’est pas la quantité mais la régularité », dit-elle.
L’écriture à profusion
Sophie produit beaucoup : dix-sept livres publiés au total, dont une biographie de Louis de Funès et une de Grace Kelly, et un roman, Quand nous serons frère et sœur (éditions Myriapode). Le prochain est prévu pour le mois de septembre 2016 : « On me reproche de trop publier. Des réactions qui me rendent perplexe. Car j’ai enfin une vie qui me ressemble. C’est mon choix, un vrai bonheur de pouvoir faire ce j’aime », se défend-elle.
Les livres pour la jeunesse l’intéressent particulièrement : elle écrit des romans poignants, par exemple Max et les poissons (éditions Nathan). Cet ouvrage, qui met en avant le regard d’un petit garçon qui a vécu la rafle du Vél’ d’hiv’, a rencontré un joli succès. D’autres, sont plus pédagogiques, comme les commandes passées par Nathan pour sa collection L’Énigme des vacances, qui marie lecture ludique et révisions pour les jeunes lecteurs qui vont de 6 à 15 ans. « J’ai moi-même écrit pour des enfants de 7 à 13 ans selon les titres.Le défi est de pouvoir inventer une histoire en tenant compte du cahier des charges et d’un format calibré. La contrainte est un exercice intéressant. Je m’amuse beaucoup à le faire », dit-elle.
En parallèle, elle anime, dans des écoles, des ateliers d’écriture. Et, en 2013, elle a ajouté une nouvelle corde à son arc, celle de scénariste. Elle a suivi pendant un an des cours de la Femis, cette école qui forme des professionnels aux métiers de l’image et du son. Son but : adapter à l’écran son roman Quand nous serons frère et sœur.
L’écriture : une envie, un souffle et un plaisir
Les thèmes qui lui tiennent à cœur sont ceux liés à la quête de liberté et au bonheur. Ses personnages connaissent généralement un déclic leur montrant qu’il est possible de suivre une autre voie que celle des carcans imposés par la société. À vue d’œil, ce n’est jamais simple, c’est même parfois douloureux. Ils devront se remettre en question, puiser en eux la force pour aller davantage vers eux-mêmes.
Mais est-ce que le fait d’écrire, d’inventer des histoires est en soi une douleur ? Sophie Adriansen s’en amuse : « Bien sûr que non ! Cela doit rester avant tout du plaisir. On dit souvent qu’écrire est source de douleur. Ce n’est pas mon cas. C’est plutôt un souffle, une envie. Il y a, dans l’écriture, quelque chose de l’ordre de la magie. Il y a cette capacité à être emporté par un récit, à donner vie à des personnages, à trouver et à transmettre la justesse d’un ressenti. »
L’écrivaine ne prépare pas de plan. Elle fait confiance à son intuition et ne fait rien lire jusqu’à ce qu’elle ait mis le point final à son texte. « Je ne m’impose rien. Je refuse de faire ce qui ne me plaît pas. Je ne me compare à personne non plus. Il est nécessaire de se faire confiance et de suivre son propre rythme. » Elle termine aujourd’hui un roman sur le corps qui paraita en septembre 2016.
Sa confiance dans la vie, elle va la chercher dans le yoga qu’elle pratique en groupe, à raison d’une heure et demie presque tous les jours: « Cela détermine tout ce que je fais et écris. Cette pratique me recentre et pose, éclaircit les idées. Je me sens plus libre, plus légère », constate-t-elle.
Ses conseils pour les apprentis écrivains ? « Osez et ne vous interdisez rien ! Il est important d’expérimenter sa propre écriture, d’avancer sur ses idées, de les déployer, de ne rien lâcher. Ce qui doit être travaillé le sera avec un éditeur. Et ne pas oublier non plus le plaisir et d’être régulier dans l’écriture, quel que soit son rythme ! »
Pour en savoir plus sur son univers :
http://www.sophieadriansen.fr
Très beau portrait de Sophie.
Son roman « Quand nous serons frère et soeur » est très beau !
Très belle interview ! Passionnant d’apprendre toutes ces choses sur Sophie. Bravo d’avoir su aller accrocher tes rêves, miss ! On devrait tous tendre à ça !
Ce fut une belle rencontre autour d’une belle personne tes inspirante! Oui, en effet, on devrait tous tendre vers ça !
Pingback: Un portrait par la journaliste Marina Al Rubaee | Sophielit
Très beau portrait ! Sophie est une personne exceptionnelle !
Quel beau portrait et quel courage d’aller au bout de son rêve. Bravo 😉